
Cent trente-cinq ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour que le nom de Lanvin s’impose comme l’une des signatures les plus singulières du panorama du luxe français. Cette longévité n’est pas le fruit du hasard, ni d’une formule magique : elle tient à l’audace d’une femme, Jeanne Lanvin, qui a su transformer son intuition en empire familial, bouleversant les codes sans jamais renier ses racines.
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Aux origines de Lanvin : l’émergence d’une maison iconique dans la mode française
Au cœur du faubourg Saint-Honoré, Paris accueille en 1889 la naissance d’une maison pas comme les autres. Jeanne Lanvin, modiste autodidacte, dessine sa trajectoire sans se soucier des conventions. Le 22 rue du Faubourg-Saint-Honoré devient le point de départ d’une aventure discrète, mais déterminante, dans le bouillonnement de la couture parisienne. L’époque est à l’effervescence, mais rares sont celles et ceux qui affichent la ténacité et l’avant-gardisme de Jeanne.
Très vite, la Maison Lanvin se distingue : elle devine les désirs d’une clientèle nouvelle, pressée d’en finir avec les silhouettes figées. Partie des vêtements pour enfants, elle élargit sa palette : mode féminine, tailleurs pour hommes, robes de mariée, mobilier, parfums. Cette ouverture n’est pas un simple calcul, mais l’affirmation d’un projet : faire entrer Lanvin dans le quotidien raffiné d’une bourgeoisie parisienne avide d’élégance. Et Paris n’est qu’un point de départ : la maison rayonne à l’international, fière de ses racines ancrées dans le huitième arrondissement.
Il y a là une singularité rare : doyenne des maisons de couture parisiennes encore en activité, Lanvin rejoint la Chambre Syndicale de la Haute Couture et participe activement à l’élaboration des codes de la haute couture française. L’histoire de Lanvin se tisse ainsi entre fidélité au passé et goût du renouveau. Jeanne Lanvin n’a jamais attendu qu’on lui indique la voie : elle a inventé un style, un langage, un art de vivre qui continuent d’imprégner la mode contemporaine.
Qui était Jeanne Lanvin ? Portrait d’une pionnière visionnaire
À la fin du XIXe siècle, le nom de Jeanne Lanvin prend racine dans le paysage parisien. Née en 1867 dans une famille modeste, elle s’émancipe tôt en rejoignant l’atelier d’une modiste. Mais Jeanne refuse de se contenter de reproduire les tendances : elle les devance, forgeant pour les femmes et les enfants de la haute société parisienne une nouvelle grammaire vestimentaire.
La trajectoire de Jeanne Lanvin se confond avec celle de sa fille, Marguerite, qui deviendra sa muse et l’étincelle de sa créativité. La naissance de Marguerite, future Marie-Blanche de Polignac, inspire à Jeanne une collection inédite de vêtements pour enfants, véritable point de départ de son aventure haute couture. L’exigence du détail et la quête d’une élégance subtile deviennent alors la marque de fabrique de la maison.
Femme d’affaires aguerrie, Jeanne élabore patiemment une dynastie. Elle ne s’arrête pas à la mode : elle s’engage dans la parfumerie et la décoration intérieure, anticipant les modes de vie d’une clientèle exigeante. Sa signature, entre rigueur, raffinement et audace, s’impose dans un Paris en pleine mutation.
En 1946, Jeanne s’éteint. Sa fille prend la suite, perpétuant l’exigence maternelle. Chez les Lanvin, transmettre ne relève pas du slogan : c’est une réalité visible dans chaque création, chaque adresse, chaque idée de la mode à la française.
Des créations emblématiques qui ont façonné l’identité de Lanvin
Au fil des décennies, Lanvin affirme une silhouette reconnaissable entre toutes. Dès les années 1920, la maison se distingue par ses robes fluides aux drapés d’inspiration antique et son sens aigu du détail. Le bleu Lanvin, nuance vibrante née de l’imagination de Jeanne, s’impose vite comme signature chromatique, aux côtés du rose Polignac et du vert Velasquez. Ces teintes incarnent l’audace et la poésie qui parcourent chaque collection.
La création du parfum Arpège en 1927 constitue un tournant. Offert à Marguerite pour ses trente ans, il incarne le lien puissant entre créatrice et muse. Le flacon imaginé par Armand-Albert Rateau séduit par sa rondeur et sa sobriété ; le logo dessiné par Paul Iribe, représentant Jeanne et sa fille enlacées, devient un symbole d’émancipation autant que de tendresse maternelle.
La maison ne se contente pas de la haute couture : elle s’illustre aussi dans la parfumerie, la décoration et l’art de vivre. La collaboration entre Jeanne Lanvin et Armand-Albert Rateau, figure majeure des arts décoratifs, donne naissance à des intérieurs raffinés, où la modernité s’allie à l’artisanat d’exception.
Voici quelques créations qui incarnent le savoir-faire et l’imaginaire Lanvin :
- Robes du soir brodées avec une virtuosité inégalée
- Parfums iconiques tels qu’Arpège
- Objets et meubles signés Rateau
- Le logo mère-fille créé par Paul Iribe
Dans chacune de ces réalisations, on retrouve l’équilibre subtil entre héritage, innovation et fidélité à l’esprit de Jeanne Lanvin. La maison demeure ainsi l’un des rares bastions où la couture française se conjugue au présent sans jamais sacrifier la transmission.
Pourquoi l’héritage de Lanvin continue d’inspirer la mode contemporaine
Lanvin n’a jamais fléchi, même au fil des décennies. Après la disparition de Jeanne, la maison a vu défiler plusieurs directeurs artistiques, chacun insufflant sa lecture du style originel. Entre 2001 et 2015, Alber Elbaz redonne un souffle nouveau à Lanvin : il réconcilie fluidité, féminité affirmée et esprit de fête, propulsant la griffe au premier plan de la scène internationale. Sous son impulsion, les lignes sobres, le goût du drapé et de la couleur renouent avec l’ADN même de la marque.
La force de Lanvin, c’est d’avoir su rassembler autour d’un héritage vivant. Claude Montana, Bouchra Jarrar, Olivier Lapidus ou Bruno Sialelli : tous ont puisé dans le patrimoine, robes du soir, couleurs emblématiques, logo mère-fille, pour réinventer la maison sans jamais perdre de vue le fil conducteur initié au 22 rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Passée entre les mains de L’Oréal, puis de Shaw-Lan Wang et du groupe Richemont, la maison a préservé sa liberté créative malgré les changements d’actionnaires. Face à une concurrence historique, notamment celle de Chanel, Lanvin affirme aujourd’hui son identité par la continuité de son langage, la transmission de ses valeurs et son attachement profond à la couture française. L’empreinte de Jeanne Lanvin se glisse toujours dans chaque détail, rappelant que la mode se nourrit autant de mémoire que d’élan novateur.
Lanvin, c’est cette adresse où l’histoire ne s’arrête jamais, où chaque saison réécrit une page sans effacer la précédente. Une maison qui, plus d’un siècle après sa fondation, continue de surprendre là où on ne l’attendait plus.




























































